Un programme en l'honneur de Ludwig van Beethoven à l'occasion du 250e anniversaire de sa
naissance : audacieux projet !
J'ai choisi quatre perspectives : deux œuvres très différentes du maître lui-même et deux regards extérieurs.
La fin arrive dès le début : les Bagatelles op. 126 font partie de ce que Beethoven a écrit le plus tardivement pour le piano. Déjà complètement sourd, il compose ces six "petites choses" dans
lesquelles nous faisons connaissance, en miniature, avec une véritable multitude de personnages
singuliers. Comme à travers la lecture d'un journal intime, nous sommes témoins de ses humeurs,
de son humour parfois grotesque, de son dévouement - écoutons-le nous-mêmes !
Vient ensuite la musique de la modernité : à peine cent ans après les Bagatelles de Beethoven, Sergei Prokofiev écrit sa quatrième sonate pour piano. La musique est ici confiée à une forme - la
sonate - dans laquelle Beethoven a entrepris des voyages comme personne d'autre avant ou
après lui. Prokofiev dédie cette sonate à son proche ami Maximilian Schmidthoff, dont le suicide
coïncide avec la création de l'œuvre. À la noirceur et au tragique déployés ici dans les deux
premiers mouvements, Prokofiev répond dans le finale par un geste dont les paroles de
Beethoven, face à sa surdité incurable, pourraient être le sous-texte : "Je veux saisir le destin à la
gorge, il ne doit certainement pas m'abattre complètement" !
La deuxième partie commence avec beaucoup de joie et une pincée de convivialité : la Fantaisie
en do-majeur de Joseph Haydn représente le "sublime inversé" (Jean Paul). En même temps, elle
provient de la plume du maître admiré: Beethoven, son collègue très estimé, et son ami.
Le début de l'"Appassionata" nous fait passer de cette lumière solaire à un crépuscule ombragé.
C'est maintenant Beethoven lui-même qui déroule un grand récit. Le pouls bat rapidement dans
ce premier mouvement, la musique est sous tension, les explosions nerveuses frôlent un silence
fantomatique. Concentré dans les plus petits motifs, Beethoven libère une énergie dramatique
implacable qui ne tolère aucun retard, même dans le triple piano de la fin du premier mouvement.
Ce n'est qu'au début du deuxième mouvement que le vent se calme. On entend un choral, un
hymne à la paix qui, par variations, se met de plus en plus en mouvement tout en nous laissant
harmonieusement au repos... jusqu'à ce que commence de manière abrupte, brusque, soudaine,
un final qui ne connaît plus qu'une seule direction. Une révolte sonore contre un destin inévitable -
d'où vient cette folle envie de revivre cela encore et encore ?